Le président nouvellement élu de la Colombie s’oppose à l’accord signé en 2016 entre le gouvernement précédent et les Farc. Les catholiques colombiens se montrent eux-mêmes très divisés sur cet accord.
Tristement célèbres pour avoir détenu, entre autres, Íngrid Betancourt entre 2002 et 2008, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) se sont converties en parti politique à la suite de l’accord de paix qu’elles ont signé en 2016 avec le gouvernement colombien.
Mais Ivan Duque, le vainqueur de la présidentielle dont le second tour s’est tenu dimanche 17 juin, soutenu par une partie de l’électorat catholique, s’oppose à l’accord, et en particulier à l’amnistie prévue des anciens chefs de la guérilla d’extrême gauche.
Une paix « qui demande des rectifications »
« Cette paix dont nous avons rêvé, qui demande des rectifications, aura des corrections », a affirmé Iván Duque le soir de sa victoire, après avoir obtenu près de 54 % des voix.
Se mettant dans les pas de l’ancien président de droite Álvaro Uribe (2002-2010), Iván Duque ne veut pas du pacte signé en 2016, lequel a pourtant permis le désarmement de la rébellion et sa reconversion en parti politique.
Une position non dénuée de risques alors que près de 1 200 ex-combattants des Farc refusent encore de rendre les armes. Ces dissidents pourraient ramener à eux une partie de leurs anciens camarades.
« À l’image du pays, les catholiques sont divisés », explique Gaspard Estrada, directeur exécutif de l’Observatoire Politique de l’Amérique latine et des Caraïbes (Opalc). Dans ce pays très majoritairement catholique, l’Église sert de repère en termes de choix politique.
Plutôt conservatrice, une frange de l’Église catholique colombienne s’oppose à l’accord de 2016, par héritage de l’anticommunisme des années 1980. « Une partie de la haute hiérarchie cléricale est plutôt partisane de Duque », confirme Gaspard Estrada. Lors des négociations entre les Farc et Bogotá, l’Église catholique de Colombie s’est abstenue de prendre position en dépit du soutien, sans équivoque, du Vatican aux discussions.
« Fuir toute tentation de vengeance »
Si la Conférence épiscopale de Colombie évite dans l’ensemble de prendre position, une partie des prêtres souhaitent ardemment l’application de l’accord. « Il y a la réalité que vivent les prêtres dans les zones où le conflit armé a fait de gros dégâts, pointe du doigt Gaspard Estrada.
Confrontés à la violence des combats opposant l’armée colombienne aux Farc, ces prêtres de province accordent la plus grande importance à l’accord de 2016. « Ce sont dans les zones où la violence a été la plus importante que M. Petro (candidat socialiste, partisan de l’accord de 2016) a fait le score le plus important », souligne le politologue.
Malgré la neutralité de la Conférence épiscopale de Colombie, le Vatican use de son influence pour maintenir l’accord fragile. Lors d’un voyage de cinq jours en septembre, le pape François avait longuement plaidé pour la paix. « Colombie, ouvre ton cœur, laisse-toi réconcilier », avait-il déclaré lors d’une messe à Bogotá.
Une volonté de médiation qui a aidé à rapprocher les belligérants. « Nous avons senti le soutien du pape pendant tout le processus et il l’a exprimé en plusieurs occasions publiquement », affirmait Marco León Calarcá, ancien membre de l’état-major des Farc, lors des négociations.
Par ailleurs, la conférence épiscopale de Colombie participe depuis le début à la commission chargée d’entendre les victimes avant et pendant les négociations. « L’Église est largement engagée dans le processus de réconciliation nationale qui passe par la prise en compte de la souffrance des victimes et le respect de leur droit à la vérité », affirmait en 2016 le directeur de Caritas Colombie, Mgr Héctor Fabio Henao Gaviria.
Charles-Albert Bareth , le 18/06/2018 - La Croix